mardi, 12 juin 2007
Travail et Philosophie
Hier j'ai surveillé l'épreuve de philo du Bac ES. Un des sujets était : "Que gagnons-nous à travailler ?"
Ce n'est pas idiot, à l'heure où l'on ne présente le travail que par rapport à l'argent qu'il rapporte, de poser la question d'un point de vue philosophique à des jeunes qui sont en train de se demander quel travail ils feront dans l'espoir de gagner leur vie, avec l'incertitude d'en obtenir un. Et dans le cas où ils ne sont pas chômeurs, se rendent-ils compte que ce travail occupera 1/3 de leur temps de vie au minimum ?
Quand je parle avec mes élèves de leurs projets professionnels au moment de leur orientation, leurs choix semblent pour la plupart déterminé par le salaire escompté et la pénibilité du travail. Au mieux envisagent-ils une profession ou un champ professionnel en fonction de leurs compétences (sont-ils meilleurs en maths ou en lettres, en langues ou en EPS ?). Mais quasiment jamais, ou très rarement, vient spontanément l'argument du goût et de la passion pour un domaine précis.
Récemment un élève qui admettait qu'une 1ère L serait plus adaptée qu'une 1ère ES en raison de ses difficultés en maths et SES m'a assuré qu'il aimait la littérature et les dissertations, mais quand je lui ai demandé quel était son projet, sans aucune hésitation il m'a dit "le commerce. Je ne sais pas quoi exactement, mais le commerce." J'ai préféré ne pas lui demander pourquoi.
J'ai toujours voulu être prof. On a essayé de m'en décourager. J'ai même obtenu un diplôme qui me permettait pour mon premier emploi de gagner 9000 FF au lieu de 6340 cinq ans plus tard dans l'éducation nationale. J'ai choisi de reprendre mes études, n'ai eu aucune équivalence (Paris IV n'en donnait pas facilement à l'époque), mais me suis obstinée, ai passé le concours, deux fois, et aujourd'hui, je ne regrette rien, car même si parfois je trouve que mon boulot me bouffe mon temps, que idéalement je pense que je me contenterai d'une classe ou deux de moins, je fais avec les moyens qu'on me donne (et ils diminuent de jour en jour) et avec une véritable conviction, un métier qui me plait.
Jamais l'argent n'est entré en ligne de compte dans mes choix. Bon, c'était en 1978... J'ai abandonné la possibilité d'un boulot bien payé, dont je me disais : "C'est tellement chiant et pénible, tous les efforts ne sont produits que pour servir un patron, et faire gagner du fric à un PDG, mais cela ne m'apporte rien humainement. Donc c'est normal qu'en compensation un tel boulot soit bien payé." Un tel choix ferait hurler de rire certains de mes élèves.
09:15 Publié dans Humeurs | Lien permanent | Commentaires (22) | Tags : super la vie, boulot, prof