Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

samedi, 10 février 2007

DAS LEBEN DER ANDEREN

     Mardi au lycée, il y avait branle-bas de combat chez les profs d’allemand. « Ouais ! y’a un film allemand en VO ! Alors t’emmènes combien d’élèves ? Oui, mais c’est au G......, pas au Zartsetessais ! Pourquoi ils font ça, d’habitude y’a jamais de VO. Ca va être plus cher, et puis je veux pas leur donner de fric. » Enfin, véritable cas de conscience chez les profs qui essaient de favoriser le pot de terre par rapport au pot de fer. Je rentre chez moi. Chez Pascale un article m’explique de quel film il s’agit. Je dois y aller. Ce que j’ai fait hier soir, emportant avec moi force mouchoirs en papier, et pas seulement pour pleurer ! La place est à plus de neuf euros, alors que les sièges sont aussi pourris que dans mon cinéma préféré. Il y a beaucoup de monde, mais les deux dames à côté de moi, s’excusent et laissent deux places entre nous… La séance a commencé très en retard, mais tous les gens bien élevés, amoureux du bon cinéma, présents dans la salle ne râlent même pas !

     Et puis j’ai plongé dans ce film qui se passe en 1984, à Berlin, dans un milieu intellectuel et artistique, mais décrit du point de vue d’un agent de la STASI. L ’année, n’est certainement pas un hasard, car l’atmosphère est Orwellienne avec sa grisaille, son austérité, sa dureté, et au milieu, un couple lumineux rien que par l’amour qu’il dégage. Et c’est cet amour qui sera la prise de conscience. Je n’en dis pas plus sur le scénar.

      Ce film m’a particulièrement touchée parce qu’en 1974, puis en 1982, je suis allée en RDA . La première fois dans une Jugendherberge, j’ai rencontré une jeune allemande qui m’a écrit inlassablement pendant huit ans, sans jamais rien me demander, mais comme si ce lien était vital pour elle. D’autres avaient pris mon adresse, mais ne pensaient qu’aux jeans, aux parfums, etc que je pourrais leur envoyer. En 1982, j’y suis retournée. J'avais 24 ans, étudiante, voyageant partout, tout le temps, célibataire, féministe, baba cool encore un peu. M. , 22 ans, était mariée à G. 25 ans, et ils avaient un petit garçon de 4 ans. Tous les deux un travail, pas de voiture, pas de téléphone, un appartement petit mais confortable, meubles en formica, mais déco chaleureuse. Au « supermarché », il fallait acheter dès qu’on apercevait quelque chose qui pourrait servir, et ne choisir une recette qu’après, en fonction de ce qu’on avait trouvé en deux ou trois jours de shopping. Ils avaient de tout, mais plus cher, et pas toujours je jour où ils en avaient besoin. Ils ne parlaient pas politique, mais la grand-mère a pleuré en me disant merci d’être venue. Je ne pense pas qu’il y ait eu des micros, mais des années plus tard, ils ont appris que Herr P. qui était le seul de l’immeuble à avoir le téléphone, et qui laissait gentiment ses voisins s’en servir, était un informateur de la STASI. La vie semblait plutôt heureuse pour mes amis. Ils avaient plein de copains. Leurs parents vivaient dans la même ville, mais pas le frère de G. dont j’ai appris plus tard qu’il avait fait un peu de prison pour activités liées au pacifisme et peut-être à cause de sa religion catholique déclarée. Pour partir cette année là, j’avais eu besoin d’une invitation officielle de M. et G. pour obtenir un visa d’entrée. Le visa de sortie, on nous le donnait après que l’on se soit rendu à la police dans un délai de 48 h après notre arrivée. On entrait dans un petit sas sans aucune indication ni déco, sauf une fente, genre boîte aux lettres, surmontée du mot : Passeports, avec une flèche. Je suis restée, accompagnée de G., sans passeport pendant un quart d’heure, puis ai été invitée à rentrer dans un bureau. Là des policiers m’ont demandé la raison de ma visite, et le lien de parenté avec mes hôtes : aucun. Surprise, incrédulité, mais finalement convaincus par G., des regards plutôt sympathiques. Il faut dire qu’à l’époque les familles de l’ouest ne venaient pas souvent, alors qu’une « étrangère » se déplace !!! Une fois en possession de mon visa de sortie pour dix jours plus tard, j’ai eu une pensée pour ma mère qui avait pleuré en voyant que rien ne parlait de sortie sur mon passeport… A l’aller comme au retour, dans le train, les policiers et les militaires armés de mitraillettes ont fouillé chaque wagon, chaque compartiment, accompagnés de chiens et soulevant les plaques des plafonds de leurs armes. Mais au cours de ce séjour, il y a eu aussi une fête de mariage, tellement sympa, des repas au restau, pas grande cuisine, mais pas cher, la piscine ouverte 24 h sur 24, les soirées entre potes chez mes amis, les balades en pleine nuit sans risque… Le film occulte le côté lumineux qui existaient chez les RDAïens, dès qu’on les laissaient entre eux, chez eux. Et aujourd’hui encore il y a une différence de mentalité entre l’est et l’ouest, qui j’espère ne disparaitra pas complètement.

     En tous cas allez voir ce film, ce qu’on y voit existait aussi.

medium_das-leben-der-anderen-1.2.jpgmedium_film_daslebenderanderen.2.jpg

08:35 Publié dans Culture | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : films, Allemagne, mur

Commentaires

preeeeeeem's !

Écrit par : Geooorges | samedi, 10 février 2007

faut vraiment que j'aille le voir, ce film, tout le monde en dit du bien...

Écrit par : Geooorges | samedi, 10 février 2007

Quand on raconte ce genre de choses aux élèves, on passe pour des dinosaures, comme si tout cela était très très très loin... Ils ont du mal à nous croire.

Écrit par : Virgibri | samedi, 10 février 2007

Au fait, merci pour Dietrich : on a la complète chez nous, et je ne m'en lasse pas... Je regrette juste de ne pas comprendre l'allemand.

Écrit par : Virgibri | samedi, 10 février 2007

Geooorges : oui, cours-y vite !
Virgibri : Oui, l'autre jour certains terminales n'avaient jamais entendu parler de l'Apartheid !!! Quand je pense que cela m'avait valu un 18 à un exposé en 1ère... (ça c'est pour Geooorges, elle comprendra). En 1992 mes amis est-allemands sont venus me voir en Trabant. Un de mes plus grands souvenirs. Leur faire découvrir tant de choses.

Écrit par : Ed | samedi, 10 février 2007

Ah, et puis, l'allemand, c'était ma première langue. Alors, j'assure !

Écrit par : Ed | samedi, 10 février 2007

Merci pour l'info, ca donne envie !
Et merci pour ce beau récit .

Écrit par : so | samedi, 10 février 2007

@so : de rien. Ca m'a permis de penser à mes amis, que je vois depuis à peu près une fois par an. On a voyagé ensemble depuis. Je leur ai fait découvrir les Alpes et l'Angleterre, et eux la Tchékoslovaquie, et peut-être un jour la Hongrie.

Écrit par : Ed | samedi, 10 février 2007

Ha oui baba cool!!

Écrit par : zaboutek | samedi, 10 février 2007

@zaboutek : il veut dire quoi ce "Ha oui" ???

Écrit par : Ed | samedi, 10 février 2007

Bé il veut dire que je t'imaginais pas autrement que baba cool, féministe aussi. C'était assez explicite??

Écrit par : zaboutek | samedi, 10 février 2007

pourquoi souhaitez-vous que la mentalité des gens de l'est ne change pas ? à ma connaissance ils n'aspirent qu'à vivre comme ceux de l'ouest. Les jeunes fuient l'ex RDA et viennent travailler à l'ouest, le plus souvent ils vont à Berlin,
les allemands de l'est ont été très marqués par le communisme, ça se sent dans leur comportement, mais leurs descendants seront des allemands comme les autres, il existera des différences de culture comme aujourd'hui entre la bavière et la rhénanie, mais l'allemand de l'est deviendra, j'espère, un allemand fier de son pays et optimiste en l'avenir, ce à quoi a travaillé Schröder

Écrit par : Marie | samedi, 10 février 2007

@zaboutek : en 1982, j'étais encore étudiante et n'avais pas encore renouvelé ma garde-robe pour avoir l'air d'une "prof"...
@ Marie :J'aimerais qu'ils gardent la fraîcheur qu'ils ont d'en avoir plus chié que ceux de l'autre côté... Je n'ai pas la sensation qu'ils fuient l'ex-RDA. Ceux que je connais qui sont partis à l'ouest, l'ont fait contraints par le chômage.

Écrit par : Ed | samedi, 10 février 2007

en fait ,je me suis mal exprimée, "les jeunes fuient l'ex RDA et viennent travailler à l'ouest", c'était "fuir le chômage", j'ai vu des reportages assez pessimistes sur la situation là-bas, puisque les entreprises près des frontières ont déménagé en Pologne où les salaires sont 7 fois moins élevés. Ils ont souffert pendant 30 ans, mais ce n'est pas fini puisqu'ils vivent encore difficilement et le pire, l'extrémisme se développe à vitesse grand V

Écrit par : Marie | samedi, 10 février 2007

Même sans avoir connu la RDA en direct live, ce film choc révèle beaucoup. C'est à la fois une oeuvre cinématographique romanesque et un document impressionnant et passionnant.
Comme disait un historien, la STASI (qui a souvent été comparée à la Gestapo) a laissé 4 millions de dossiers (ahurissant non ?), pas 4 millions de morts. Chacun pouvait être l'espion de son voisin paraît-il !
Oui, l'année 1984 n'est peut-être pas un hasard. En tout cas, c'est un premier film qui a failli être à Annonay (atterrissage tjs différé... je suis en survol au-dessus du reste...) n'y était pas car ne sont présentés que les films qui n'ont pas encore trouvé de distributeur... ce qui n'était pas son cas.

Si tu ne connais pas, je te recommande vivement "Good Bye Lenin" (une pure merveille) qui parle aussi de la RDA. Je le vois et le revois avec le même émerveillement chaque fois !

Écrit par : Pascale | jeudi, 15 février 2007

Si, bien sûr, je connais "Goodbye Lenin !" même si je l'ai vu dans mon ère pré-bloguienne...
Je crois que j'ai préféré celui-ci.
T'a eu trop d'oxygène là-bas... Le retour est d'autant plus difficile !

Écrit par : Ed | jeudi, 15 février 2007

Les commentaires sont fermés.